Être patron ou être aimé… En France, il faut choisir : 19% seulement des salariés de l’Hexagone ont une très bonne opinion de leur manager. Un chiffre sanction qui en dit long sur l’état de notre rapport à l’autorité…
UNE RELATION AMBIVALENTE
Souvent considéré comme râleur et insatisfait, le salarié français n’est pas prompt à accorder son estime à qui que ce soit, surtout s’il s’agit de son chef. Face à ce dernier, il a un comportement ambivalent : il fait preuve d’une défiance systématique vis-à-vis de lui, mais il en attend aussi énormément. Trop sans doute, d’où ce paradoxe : on n’aime pas forcément son supérieur, tout en adorant la figure d’autorité.
« Les bons managers […] se contentent d’avoir de l’influence, de faire avancer les choses. Ils n’ont pas besoin d’être en haut de l’affiche, d’être aimés en tant que managers. Ils savent pourquoi ils sont là et ne se sentent pas menacés par les autres. » explique la psychanalyste Catherine Mieg. Car toute l’ambivalence, c’est que les patrons veulent à la fois être aimés et être respectés. Pour certains spécialistes, il y a une différence notable entre les deux qualificatifs dans le milieu de travail. « Il n’est pas nécessaire d’être aimé pour bien faire, mais d’être juste, soutient Luc Brunet, professeur titulaire, programme Psychologie du travail et des organisations de l’Université de Montréal. Il faut avoir de l’éthique et de la sollicitude. Souvent, les gens vont dire: je ne l’aime pas nécessairement, mais avec lui, on sait où on s’en va. Si notre patron travaille pour notre bien et celui de l’entreprise, ça passe. »
AIMÉ, NON. RESPECTÉ, OUI.
« Être aimé ? Non! Être respecté, sans l’ombre d’un doute, dit Manon Daigneault, associée consultante de Réseau DOF. Être aimé est un piège dans lequel tombent les nouveaux gestionnaires. On travaille alors à sa popularité. Mais le danger, c’est qu’on demeure populaire tant qu’on dit ce que les autres veulent entendre. C’est humain, mais c’est un pari dangereux. À l’inverse, quand on travaille à être respecté, on travaille pour notre crédibilité et on la maintient quand on a des décisions importantes à prendre. »
DES PATRONS QUI SAVENT SE FAIRE AIMER
Le site de carrières Glassdoor a recensé les 50 patrons les plus appréciés. À la question « Appré ciez-vous la façon avec laquelle votre patron gère l’entreprise ? », 100% des employés de LinkedIn ont répondu oui. Une fleur pour Jeff Weiner ! Les patrons de Ford, Edelman, Costco, Goldman Sachs, Starbucks et Facebook se retrouvent également dans le top 10. Ils ont décroché une note de plus de 90%.
Mark Zuckerberg serait par ailleurs le patron le plus aimé du monde selon le top 50 mondial dressé par le site américain Glassdoor. com. 48 hommes partagent avec lui ce tableau et une seule femme : Sharen Turney dirigeante de Victoria’s Secret qui arrive à la 42e place.
En France, on n’aime pas trop ce type de palmarès, preuve que le sujet est encore tabou. Dans notre pays, seuls les actes sont jugés. Norsys, par exemple, n’est manifestement pas une PME comme les autres dans le secteur des nouvelles technologies. C’est un ovni, même ! Et pour cause : cette entreprise est animée par une philosophie forte, au service des clients, de ses salariés et de l’environnement. Plus médiatisée pour sa politique de ressources humaines que pour la réussite de son business, elle résiste pourtant à la crise. La SSII, dont le siège se situe dans le Nord-Pas-de- Calais (59), connaît une croissance constante. Sylvain Breuzard est un PDG étonnant qui explique la stratégie de sa société, dont il veut faire « la SSII où l’on est le mieux pour travailler ».
UNE QUESTION DE CONFIANCE
En France, tout est question de confiance. Et il s’agit ici de celle que le patron accorde aussi bien que celle qu’il cherche à obtenir. Et les deux sont étroitement liées. Les coachs de managers s’entendent à dire qu’il faut commencer par faire confiance à ses employés, et n’intervenir qu’en cas de problèmes ou à des fins de simple contrôle. Cette confiance les aidera à développer leurs aptitudes et ils en estimeront que d’avantage leur dirigeant. La deuxième règle est de responsabiliser ses salariés pour les motiver ; la troisième de lancer des défis motivants et la quatrième d’instaurer une bonne ambiance.
DES RECETTES QUI ONT FAIT LEURS PREUVES
> Valoriser les salarié. Le salarié pour aimer son entreprise et son patron doit aussi se sentir aimé. C’est du moins la logique qui semble sous-tendre certaines politiques mises en place par la société de conseil Davidson Consulting et la société de conseil en ingénierie Extéria.
> Impliquer les salariés. Pour impliquer ses salariés, il faut les associer à la réussite de l’entreprise. Si l’entreprise réussit, les salariés y gagnent aussi.
> Chouchouter les salariés. Il peut s’agir de la mise à disposition à ses collaborateurs d’une salle de sieste, d’un babyfoot ou encore d’une crèche. D’autres entreprises acceptent des jours de télétravail, d’autres mettent en place des méthodes de bien-être au travail.
> Donner de l’importance à chacun. Plus que tout, les salariés ne veulent pas être de simples pions dans leur entreprise. Ils veulent être connus et reconnus, quelles que soient leur place et leur mission dans la société. Le minimum pour un patron est déjà d’apprendre les noms et les prénoms de ses collaborateurs au plus vite. On n’imagine pas à quel point le fait d’être appelé par son nom peut interpeller son subordonné.
C’est un bon moyen de briser la glace et de s’attirer rapidement une nouvelle attention. Il faut aussi parfois jouer la carte de l’humilité et ne pas penser tout savoir. Enfin, il est capital de connaître et de rencontrer les salariés de son entreprise ou de son service individuellement. Rencontrer chacun en face à face permet, outre de valoriser le collaborateur, de connaître chacun, ses envies, ses conseils et ses atouts. Cela donne une dimension beaucoup plus riche à l’échange en favorisant le lien de confiance, la base du lien social entre le dirigeant et ses équipes.