Désorienté par le jargon utilisé au travail ? Alexandre des Isnards décrypte les termes à la mode et leur signification. Il nous éclaire ici sur les KPI et l’obsession actuelle à tout mesurer, dans la vie pro et la sphère privée.
C’est devenu le sigle de référence du suivi d’activité : KPI, parfois prononcé à l’américaine – kaipi aille ! – signifie Key Performance Indicator, “indicateur clé de performance”. Les KPI servent à mesurer l’efficacité d’une action, quelle qu’elle soit. Autant dire que “Quels sont mes KPI ?” est désormais une question essentielle pour un porteur de projet. Vouloir mesurer sa productivité paraît évident et sain. Mais aussi difficile. Pas par manque de données, plutôt par trop-plein, avec le big data. Faire émerger des indicateurs permet donc d’opérer un tri.
Reste que la propension à afficher ses KPI partout vire à l’obsession. Chacun y va des siens, qu’il brandit comme s’il avait trouvé la formule de la pierre philosophale. “Le taux de rétention en #gaming (comprendre : dans le jeu vidéo), KPI essentiel pour le community manager”, publie un twittos. “Le nombre de fans ne compte pas si vous n’avez pas la bonne cible. Fixez-vous les bons KPI”, twitte un autre. Que nous révèle donc cette envie frénétique de tout suivre en chiffres, également appelée “quantophrénie” (maladie de la mesure) ? Que notre économie va tellement vite que des repères sont nécessaires.
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Dans une économie de services, les actifs sont immatériels et l’expérience des clients, subjective. Alors on se donne l’illusion de la maîtrise en “KPIsant”. Car le verbe existe. Certains l’emploient à l’oral : “Il faudra KPIser la proposition.” Entendre : elle manque de chiffres pour convaincre. Nous en arrivons même, grâce aux objets connectés, à KPIser nos vies privées : 7 kilomètres parcourus, 34 marches grimpées, 2.700 calories brûlées… Likes, cœurs et pouces levés sont les KPI de la reconnaissance sur les réseaux sociaux. Sur Tinder, c’est l’indice de désirabilité : “J’suis en train de me faire KPIser par l’intermédiaire des copines, c’est trop chou”, poste une jeune femme. Et elle ne semble même pas traumatisée !