La "deeptech" paraît obscure ? Tout s\'éclairer minutes lecture.

Les investissements ne cessent d’augmenter dans la “deeptech” et le secteur pourrait révolutionner des pans entiers de la société. Mais au fait, qu’est-ce que la deeptech ?

 

L’investissement dans les startups de la deeptech a crû de 22% en moyenne depuis 2015 au niveau mondial, pour atteindre près de 18 milliards de dollars en 2018, selon le rapport annuel de Hello Tomorrow et BCG, dévoilé dans Les Echos le mois dernier. Nous vous proposons un décryptage en quatre questions de ce secteur aussi obscur que disruptif.

1. Qu’est-ce que la deeptech ?

Selon Bpifrance, le terme “deeptech” est utilisé pour parler de projets portés par des entreprises ou des laboratoires de recherche ambitieux qui innovent en repoussant les frontières technologiques. Ces innovations de rupture, c’est-à-dire qui révolutionnent nos habitudes, peuvent concerner tous les domaines, du réchauffement climatique à la lutte contre le cancer, en passant par la réinvention de l’industrie.

“La technologie est désormais partout, elle est devenue synonyme d’internet et des smartphones. Il fallait donc un nouveau terme pour désigner ces technologies émergentes qui nécessitent une longue phase de R&D pour arriver sur le marché”, explique Arnaud de la Tour, cofondateur de l’association Hello Tomorrow qui soutient le développement des deeptech. Il prend ainsi l’exemple de la startup G-Therapeutics, qui a révolutionné la médecine en inventant un implant à mettre dans la colonne vertébrale et qui a permis à des personnes paralysées de remarcher.

Ce long temps de recherche varie cependant suivant le domaine. Selon le rapport, développer une technologie biotech prend environ quatre ans, contre en moyenne deux ans et demi pour un projet dans la blockchain.

2. Dans quels secteurs trouvent-on le plus de deeptech ?

Selon Hello Tomorrow, les deeptech officient souvent dans l’intelligence artificielle, la biologie, la chimie et les sciences du matériau, la robotique et les drones, l’électronique et enfin la photonique (les innovations liées à la lumière, un capteur pour un véhicule autonome par exemple).
Attention, qui dit deeptech ne dit pas forcément startup. C’est par exemple la multinationale IBM qui est leader sur l’ordinateur quantique (qui calcule de façon différente et beaucoup plus rapide qu’un ordinateur classique).

“Dans les années 80 et 90, seuls les grands groupes avaient assez de moyens et de ressources pour des projets deeptech. Aujourd’hui, ce n’est plus réservé aux grands groupes industriels ou aux centres de recherche comme le CNRS, les startups trouvent aussi des financements”, assure le cofondateur d’Hello Tomorrow Arnaud de la Tour.

3. Comment sont financées ces innovations ?

Les deeptech nécessitent des financements conséquents avant même la conception d’un prototype. Le projet final ayant besoin de plusieurs années pour voir le jour, convaincre des investisseurs est difficile. “Il faut déjà quelques millions d’euros pour leur prouver que ça va marcher”, note Arnaud de la Tour. “Ceci dit, c’est un type différent d’investisseurs, souvent experts de leur domaine”. Des investisseurs qui savent que s’ils misent sur le bon projet, cela pourrait rapporter très gros. Car si la R&D est chronophage, elle permet aussi de semer les concurrents. “N’importe qui peut créer Uber. Alors qu’un nouveau matériau qui a nécessité six ans de recherche, personne ne va pouvoir le créer du jour au lendemain”, explique Arnaud de la Tour. D’autant que les innovations techniques sont protégées par des brevets.

Selon l’expert des deeptech, l’accès à la recherche s’est cependant démocratisé : “Cela devient moins difficile qu’avant, car on peut avoir accès à de la puissance de calcul logée dans le cloud, ce qui dispense les entreprises de se doter d’un gros ordinateur pour calculer. Quant au matériel nécessaire à la construction de prototypes, on peut désormais utiliser celui d’un fablab ou d’un incubateur”.
A cela s’ajoute une conjoncture économique favorable : “les taux d’intérêts étant très bas, ce n’est plus un problème de trouver de l’argent pour les startups. Il y a plus d’argent disponible que de bons projets”, plaisante Arnaud de la Tour.

Bpifrance a par ailleurs annoncé en janvier dernier qu’elle investira 1,3 milliard d’euros sur cinq ans pour financer plus de 2.000 startups deeptech.

4. Quels pays sont les champions des deeptech ?

“Il y a clairement une course entre les Etats-Unis et la Chine. Les Etats-Unis sont en tête, avec plus de 4.000 entreprises deeptech. Mais ils ralentissent : les investissements publics diminuent et Donald Trump finance moins la recherche. Le pays baisse aussi en termes d’attractivité des talents, avec des salariés qui partent à cause des lois anti-immigration. Les Chinois sont loin derrière, avec près de 750 entreprises deeptech, mais ils investissent des sommes astronomiques”, analyse Arnaud de la Tour.

L’Europe  serait bien placée notamment grâce à la qualité de ses  universités, la renommée de ses ingénieurs et de ses chercheurs, mais le bât blesse du côté du financement et de la transformation de l’innovation en business. “A ce niveau-là, la fragmentation de l’Europe en différents pays est un problème. Un pays européen ne peut rivaliser seul avec la Chine”, explique Arnaud de la Tour.

Toujours selon le rapport de Hello Tomorrow et BCG, c’est l’Allemagne qui a le plus d’entreprises deeptech en Europe (455), suivie du Royaume-Uni (435). La France occupe la troisième position avec 241 entreprises deeptech. L’Hexagone a-t-il une carte à jouer pour se positionner en leader européen ? BpiFrance s’est donné jusqu’à 2023 pour faire de la France une “Deeptech Nation”.

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